Le moteur du cinéma de Mocky, c'est la volonté d'en découdre : une rage tragique, sourde et brûlante. Une rage d'asocial. Plutôt optimiste et acide dans son début de carrière, elle se fait de plus en plus noire dans les années 70 sans qu'aucune des deux dimensions ne domine l'autre.

Malgré quelques rares projections publiques et un récent passage sur Arte, "La Maman et la Putain" demeurait jusqu'à aujourd'hui un objet de désir, comblé souvent dans les bas-fonds de la piraterie. Enfin restauré, il fera l'ouverture de Cannes Classics à l'orée du Festival, cinquante ans après sa réalisation, avant de revenir en salles le 8 juin. Les Films du Losange orchestreront le resurgissement de toute la filmographie de Jean Eustache dans les mois à venir, en salle puis en DVD, et nous y reviendrons.

Mensonge d'Etat, profanation de la vérité, omnipotence dictatoriale : Varsovie 83, une affaire d'Etat plonge dans les heures sombres d'un bloc de l'Est qui n'en était pourtant pas avare. Pour son deuxième long métrage après "The Last Family" (2016), Jan P. Matuszynski met brillamment à nu les dispositifs de protection avec lesquels le totalitarisme assure sa longévité, tirant le meilleur parti du « petit tas de secrets » que les pions humains égrènent à leur insu.

Le fils du réalisateur iranien assigné à résidence Jafar Panahi n'avait qu'une dizaine d'années quand son père se fit connaître en remportant la Caméra d'or au festival de Cannes avec "Le Ballon blanc" (1995). Ce dernier s'inscrivant dans la lignée réaliste d'Abbas Kiarostami, on pouvait attendre de Panah Panahi - qui fut l'assistant de Jafar - une poursuite dans la même veine. D'où la merveilleuse surprise de "Hit the Road", la première comédie loufoque sur le thème des migrants !

Il y a 43 ans, le 1er février 1979, l'ayatollah Khomeyni revenait d'exil et, très vite, présidait à l'instauration d'une République islamique en Iran, un régime très autoritaire pratiquant la censure (comme le Shah auparavant, mais en pire), endoctrinant, surveillant et emprisonnant à tout-va. Or, contre toute logique, cette nouvelle ère très sombre s'est accompagnée, dès la fin des années 1980, d'un fantastique essor du cinéma iranien, primé à de multiples reprises dans les festivals internationaux (depuis "Le Goût de la cerise" d'Abbas Kiarostami, Palme d'or à Cannes, en 1997).

L'édition 2022 du festival était marquée par une intranquillité politique qui s'est traduite, dans les films les plus réussis, par une remise en cause de la linéarité narrative.

Né à Koganei en 1980, Koji Fukada appartient comme ses confrères Katsuya Tomita et Ryüsuke Hamaguchi à un groupe informel de nouveaux cinéastes japonais qui commencent à prendre la relève des Kiyoshi Kurosawa ou Hirokazu Kore-eda, leurs aînés directs. Hamaguchi et Fukada utilisent abondamment la parole dans leurs films et partagent une même admiration pour l'oeuvre d'Eric Rohmer.

"Les Crimes du futur" marque le grand retour de David Cronenberg, qui signe son meilleur film depuis Les Promesses de l'ombre (2007). Fascination devant les énigmes du corps et les mystères du désir, méditation sur les nouvelles formes d'une esthétique revue par la technique sur fond de post-apocalypse, le film prolonge et renouvelle à la fois les interrogations essentielles d'un cinéaste plus que jamais à l'affût des bouleversements du monde.

Quelques mois après la sortie de "Tromperie", audacieuse et brillante adaptation de l'univers de Philip Roth, Arnaud Desplechin revient à l'exploration du roman familial et des haines qui le traversent, veine très féconde de son oeuvre. Faisant écho à "Rois et Reine" et à "Un conte de noël", "Frère et Soeur" innove par la clarté d'une ligne épurée qui ouvre sur un apaisement possible. Poursuivant un dialogue engagé par Positif il y a trente ans avec l'un des plus passionnants réalisateurs en activité, nous sommes remontés jusqu'à son premier souvenir d'un désir de cinéma. Sommaire.

En 1996, Jean-Pierre Bacri, avec lequel j'étais assez ami, m'a téléphoné pour me demander la permission d'utiliser "Vertige de l'amour" dans "On connaît la chanson". Je lui ai répondu que je serais très fier qu'Alain Resnais se serve d'une chanson dont j'avais écrit le texte. Une fois le film terminé, j'ai été invité à une projection au Gaumont Marignan. Après la séance, André Dussollier, avec son inquiétude habituelle, m'a interrogé du regard : je lui ai juré que c'était magnifique ! Sommaire. Alain Resnais le chevalier. De retour de l'outre-monde : les figures du revenant chez Alain Resnais.

Dans un des poèmes des "Fleurs du mal", Baudelaire écrivait: "La forme d'une ville change plus vite, hélas ! que le coeur d'un mortel." Il exprimait ainsi sa tristesse devant les transformations radicales de la physionomie de Paris imposées par le préfet Haussmann. Nos précédents dossiers sur la représentation de Londres et de New York au cinéma se faisaient l'écho de ces métamorphoses. Celui que nous consacrons à Venise s'attache, au contraire, à sa pérennité.

S'ils ont été deux grande figures de l'insoumission dans les années 70, de celles que l'on dit par facilité sulfureuses ou scandaleuses, Fassbinder et Pasolini apparaissent par ailleurs comme la carpe et le lapin - un poisson gras et orgiaque, farfouillant sans relâche dans la boue, et un lièvre taillé à la serpe, d'une discipline de fer. Pasolini est un athlète de l'intensité, tenté par l'ascèse, rétif aux excès et désordres, plutôt sévère, intransigeant, voire imprécateur ; Fassbinder un ogre de plus en plus bouffi, qui travaille comme il mange, boit et se came, jusqu'à l'overdose.