Nous souhaitions nous entretenir avec Cate Blanchett depuis longtemps. Sa venue à Cannes en est l'occasion. "Rumeurs", coproduit par sa société Dirty Films et réalisé par Guy Maddin, Evan Johnson et Galen Johnson, semble avoir représenté pour elle une expérience singulière et inédite. Le temps qu'elle nous a accordé a permis à la discussion de dépasser le commentaire d'une trajectoire ou d'une carrière pour évoquer son métier, entre instinct et technicité.

Wes Anderson tourne vite, de plus en plus vite (trois films depuis 2018 alors que presque cinq ans séparaient "The Grand Budapest Hotel" de "L'Île aux chiens"), et la forme toute en arabesques, virevoltes et glissements affolants de ses derniers films a pu laisser croire que son oeuvre était promise - sinon condamnée - à une logique d'accélération incontrôlable. La première surprise d'Asteroid City tient peut-être au mouvement de retrait et de calme retranchement qu'il semble opérer dans cette course un peu ivre. Entretien avec le réalisateur.

Nous avions fini par croire que nous ne reverrions plus jamais Nanni Moretti dans le rôle d'un alter ego, tel qu'il apparut de ses premiers films à Aprile (1998) avant de jouer des rôles "de composition" ou secondaires à partir de "La Chambre du fils" (2001).

Après avoir rendu compte du Festival sur notre site quotidiennement, que reste-t-il des dizaines de films vus, des textes écrits dérobant des heures au sommeil, des idées glanées entre projections, discussions et autres apéros ? Voici notre "retour de Cannes 2023". Sommaire. Au-delà de la vérité. Révélations cannoises.

Ana Torrent est apparue pour la première fois au cinéma à 6 ans, en 1973, dans "L'Esprit de la ruche" de Victor Erice, cinéaste qu'elle retrouve cinquante ans après dans "Fermer les yeux". Elle fut aussi la fillette de "Cria Cuervos" de Carlos Saura, réalisé deux ans plus tard, et elle a depuis continué à tourner, notamment dans "Vacas" de Julio Medem (1994), "Tesis" d'Alejandro Amenabar (1996) ou "Veronica" de Paco Plaza (2018).

Rencontre avec le nouveau délégué général de la Quinzaine des cinéastes.

Disons-le tout de suite, et c'est un compliment : "Trenque Lauquen" est impossible à résumer. D'abord parce que son récit est tentaculaire, à tiroirs, comme savent si bien les construire les écrivains d'Amérique latine (Borges, Bioy Casares, Bolano, des références revendiquées par la réalisatrice). Mais aussi parce que l'essentiel se joue moins dans ce que raconte le film que dans la façon dont les histoires se transmettent, de bouche à oreille, de pages à yeux, de mots à mains, de passé à présent. Sommaire. Les fleurs de leur secret, la critique du film.

Depuis le 7 octobre 2023, l'extrême violence des attentats du Hamas puis le caractère vengeur et destructeur des représailles israélienne ont produit un choc politique et historique dont il est difficile de prévoir la fin et les conséquences. D'autres que nous sont bien mieux qualifiés pour en parler en termes géopolitiques, notamment les diplomates et les historiens dont la parole savante a été bien trop peu sollicitée ces dernières semaines, face à celle des polémistes et des politiciens de plateaux.

Une rétrospective à la Cinémathèque française, jusqu'au 10 mars, et un ouvrage très documenté et passionnant de Bernard Eisenschitz nous rappellent l'importance de Boris Barnet (1902-1965), cinéaste inclassable mais qui n'a rien à envier aux grands maîtres soviétiques de son temps.

Six ans après "L'Autre côté de l'espoir", "Les Feuilles mortes" marque le retour d'un cinéaste qui se fait de plus en plus rare. Ceux qui aiment Aki Kaurismaki seront heureux de le retrouver fidèle à lui-même, car cette constance, insensible aux modes et injonctions de l'air du temps, est la première marque de l'incorruptibilité esthétique et politique de son cinéma. Sommaire. La fortune des démunis, la critique du film. Frères de cinéma, entretien avec Jim Jarmusch.

La 80e édition du Festival de Venise, du 30 août au 9 septembre 2023, fut une nouvelle fois l'occasion, faute de voir beaucoup de bons films, d'étudier les symptômes du cinéma mondial, en particulier l'uniformisation et l'étouffement des auteurs opéré par les plateformes. Regard sur quelques "cas" de la sélection officielle.

"Le Déserteur" commence comme un film de guerre : dans un village arabe en ruine, des soldats de Tsahal interviennent contre un ennemi hors-champ (précisons que le film a été tourné avant les attentats du 7 octobre). Lorsque l'un de ces soldats, Shlomi (Ido Tako), 18 ans, fuit ce front où il combat, c'est comme s'il voulait s'extraire d'un récit et d'images dont il refuse d'être le protagoniste. Sommaire. L'Etat aux trousses. Courir et résister : entretien avec Dani Rosenberg.

Parmi les grandes cinématographies mondiales, le cinéma d'Inde, aussi divers que les régions qui forment ce pays, est l'un de ceux que nous connaissons le moins en France. Entre Satyajit Ray et la découverte tardive des productions classiques de Bollywood (les géniaux Raj Kapoor et Guru Dutt, notamment), seul le grand Ritwik Ghatak est vraiment parvenu à se frayer un chemin dans la cinéphilie française.

Avant de commencer son histoire, Emmanuel Mouret nettoie la piste : quand Maxime (Niels Schneider), venu rendre visite à son cousin dans sa maison de campagne, est cueilli sur le quai par la fiancée de celui-ci qu'il ne connaissait pas, le "petit accident sans gravité" d'un collègue de chantier qui retarde le cousin est annoncé par Daphné (Camélia Jordana) du bout des lèvres, sans la moindre velléité de naturel, dans sa nudité de prétexte narratif.

La 77e Mostra a donc bien eu lieu. Rien à redire sur l'organisation, maîtrisée malgré les multiples contraintes imposées par la Covid. Mais beaucoup plus de doutes quant aux films montrés...

"Je suis scandaleux. Je le suis dans la mesure où je tends une corde, mieux, un cordon ombilical, entre le sacré et le profane", déclarait Pier Paolo Pasolini en 1970. Il serait bien court de réduire ce geste à du blasphème, ça n'est pas à cette religiosité ni à cette morale que répondait le cinéaste.

Sylvain Malbrant est monteur son. Il a notamment travaillé pour Cédric Kahn ("Vie sauvage", "La Prière", "Fête de famille"), Noémie Lvovsky ("Faut que ça danse!", "Camille redouble", "Demain et tous les autres jours"), Nicole Garcia ("Un balcon sur la mer", "Mal de pierres"), Damien Odoul ("Le Reste du monde", "La Richesse du loup"), Pierre Schoeller ("Un peuple et son roi") et Arnaud Desplechin (tous ses films depuis "Un conte de Noël").

Dans un musée, deux personnages regardent fixement des tableaux représentant des paysages nocturnes: impossible de ne pas y voir une mise en abyme du fond très sombre sur lequel se déploie "J'étais à la maison, mais...", à la temporalité scandée par quelques nuits.

François Truffaut fait partie de ces cinéastes méconnus à force de célébrité, parce que beaucoup de critiques et de cinéphiles croient si bien connaitre leurs films qu'ils ne pensent pas nécessaire de les revoir pour en parler, admirateurs comme détracteurs jugeant leurs évaluations définitives, chacun campant sur ses positions, a priori, idées reçues.

Cecilia Mangini, morte le 21 janvier 2021, à l'âge de 93 ans, fut la première femme documentariste du cinéma italien, et tout simplement une grande cinéaste. Ses films, essentiellement des courts métrages, sont des odes vibrantes aux marginaux, aux oubliés, aux déclassés, à tous ceux que la société et le temps excluent et annihilent. L'article se poursuit par l'hommage de Anne-Violaine Houcke intitulé "Enragés sublimes de notre temps, Mangini et Pasolini".

Bien que son peu d' intérêt pour la technique à l'état pur le pousse à se définir malicieusement comme « le plus nul des ingénieurs du son », Vasco Pimentel est devenu légendaire au Portugal, pour sa capacité d'adaptation, son goût de l'expérimentation, ainsi que pour son impressionnante filmographie. Elle est d'ailleurs difficile à établir, car il a aussi travaillé dans des films non répertoriés ou au générique desquels ce baroudeur du son n'apparaît même pas.

En avril 1951 , le premier numéro des "Cahiers du cinéma" s'ouvrait par un hommage à Jean George Auriol (créateur de "La Revue du cinéma", dont les "Cahiers" et ceux qui les ont créés provenaient), où était prôné le refus de s'abandonner à une « neutralité malveillante qui tolère un cinéma médiocre, une critique prudente et un public hébété». Sept décennies plus tard, pour établir la liste « 70 films, 70 ans », Marcos Uzal s'est replongé dans de nombreux numéros des "Cahiers."

"Les Cahiers" ont accompagné les jeunes années cinéphiles de Jim Jarmusch, avant qu'il ne devienne l'un des cinéastes compagnons de la revue. C'est pourquoi il nous a paru naturel de le convier à cet anniversaire. Cinq ans après une rencontre à New York ("Cahiers" no 726), cette conversation débute à Paris au milieu des années 70, puis se poursuit comme une balade impromptue, où il est question de cinéphilie, de poésie, de critique et d'obstination à créer malgré tout.

Retour sur l'oeuvre de Bertrand Tavernier, mort le 25 mars à l'âge de 79 ans, à travers ce qui relie le plus directement sa cinéphilie insatiable et ses films inégaux : le dévouement aux aînés, l'amour des pères.

A quelques rares exceptions près, cette 78e édition de la Mostra fut bien morne : peu de films, même parmi ceux que l'on attendait le plus, pour rivaliser avec le plaisir de siroter un spritz face à la mer, tant les effets anxiogènes du confinement semblaient avoir pris le dessus sur le désir de filmer.

"France" de Bruno Dumont, "Tromperie" d'Arnaud Desplechin, "The French Dispatch" de Wes Anderson et "L'Histoire de ma femme" d'Ildiko Enyedi - les quatre films présentés à Cannes cette année avec Léa Seydoux ont démontré combien elle est aujourd'hui l'une des actrices françaises les plus demandées et à la fois l'une des plus énigmatiques, par la nature de son jeu et de sa présence à l'écran. Depuis ses débuts, elle s'est distinguée par la diversité de ses choix et un certain goût du risque qui irradient dans son personnage à multiples facettes de France.

"Old" a été montré trop tardivement à la critique pour que nous puissions en parler le mois de sa sortie, mais ce dernier opus de M. Night Shyamalan, cinéaste depuis toujours aimé par les "Cahiers", est trop beau et important pour être passé sous silence.

La sortie en salles (par Splendor Films) et en coffret DVD (chez Survivance) des trois premiers longs métrages de Tsai Ming-liang - "Les Rebelles du dieu néon" (1992), "Vive l'amour" (1994), "La Rivière" (1998) - nous rappelle qu'il fut l'un des cinéastes majeurs des années 90, période notamment marquée par l'émergence du nouveau cinéma taïwanais, où ce Malaisien de naissance faisait figure d'audacieux cadet entre ses aînés Hou Hsiao-hsien et Edward Yang.