Si une rétrospective consacrée à Jacques Rozier (à la Cinémathèque française du 10 au 28 novembre) représente un évènement majeur et inratable, c'est non seulement parce qu'il est un immense cinéaste mais aussi parce que c'est l'occasion de découvrir tout un pan rarissime de son oeuvre. Sommaire. Les errements de la maladresse. Un entêtement buissonnier.

Que lecteur qui trouve idiot d’élaborer des listes de films ne lise pas cette page et passe directement à la suivante, en essayant de résister à la tentation de consulter nos tops, d’y réagir, d’imaginer le sien ! Pourquoi ce jeu est-il si inhérent à la cinéphilie ? Peut-être parce que le rapport aux films est inextricablement mêlé à la vie, et que ce qui se joue dans une liste relève alors un peu de l’autoportrait, de l’autobiographie. Cela rejoint le caractère à la fois intime et volatile de l’expérience de spectateur, toujours plus ou moins liée à un lieu, un moment, un état.

Wouter Zoon, après avoir été accessoiriste, travaille principalement depuis les années 90 en tant que chef décorateur. Sans jamais avoir renié la part manuelle du métier, il revendique le plaisir étrange de construire de l'éphémère. Ayant tissé des liens durables avec Aki Kaurismaki, Pascal Bonitzer ou Jacques Rivette, il apparaît comme l'un des garants d'un savoir-faire indispensable au cinéma d'auteur européen, dont l'importance n'est nullement amoindrie par la sophistication des outils de postproduction.

Le critique, professeur et programmateur Victor Guimaràes est le cofondateur de la revue brésilienne "Revis ta Cinética"; il a écrit pour diverses revues internationales ("Con Los Ojos Abiertos", "Senses of Cinema", "Desisrfilm", "La Vida Util", "Lafuga", "La Furia Umana"). Il se penche ici sur l'importance des films de Pedro Costa dans la représentation de la misère, en le rapprochant notamment de "l'esthétique de la faim" définie par Glauber Rocha - question esthétique et politique centrale du cinéma d'Amérique latine.

Le Forum des images propose de parcourir soixante-six ans d'histoire du cinéma africain en 126 films : une « anthologie subjective », signée par deux programmatrices également cinéastes.

Avec "Un autre monde", acclamé par la critique internationale au dernier festival de Venise (lire n° 729, p. 30), Stéphane Brizé clôt une trilogie entamée avec "La Loi du marché", en 2015, suivi d'"En guerre", en 2018. Trois films avec Vincent Lindon pour protagoniste, trois oeuvres centrées sur l'humain comme variable d'ajustement d'un néolibéralisme pernicieux. Un autre monde présente ici l'amont de ce dont "La Loi du marché" était l'aval, à savoir la programmation d'un plan social draconien et sacrificiel.

A l'heure urgente des réseaux sociaux, quelle heureuse surprise de découvrir une artiste dont l'oeuvre est déjà conséquente ! Connue depuis des années en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, Joanna Hogg n'avait pas encore eu l'occasion de montrer ses films en France.

La sortie en salle d'un nouveau film de Guillermo del Toro, "Nightmare Ailey", coïncide avec celle d'une très belle édition en DVD et Blu-ray d'un de ses classiques, "L'Échine du diable". Qu'il joue la carte du remake ou qu'il crée de toutes pièces son propre univers, la "patte" du cinéaste ainsi que ses thèmes s'imposent. C'est l'occasion de faire le point sur une oeuvre déjà conséquente, riche de personnages inoubliables et d'images obsédantes. Ces deux événements confirment que del Toro est certainement un des créateurs les plus originaux et les plus reconnaissables du cinéma contemporain.

C'est le film le plus effrayant que j'ai vu depuis plusieurs années. Sans doute parce qu'avant d'être un film d'horreur, c'est un film sur l'enfance. L'idée d'Eskil Vogt, coscénariste de tous les films de Joachim Trier, qui signe ici sa seconde réalisation, n'était pas d'interroger les codes du genre ni la façon de les bousculer, mais bien de plonger dans le monde de l'enfance, dans son imaginaire délirant, dans son absence de limite inquiétante et d'y retrouver une intensité de sensations qu'adulte, on croyait avoir oubliée.

"Old", l'un des plus beaux films de l'année 2021, n'a pas contredit le grand attachement que les "Cahiers" ont toujours eu pour M. Night Shyamalan. Par sa façon de travailler très directement sur l'imaginaire et le mythe tout en restant fidèle à son goût de la litote et du réalisme, soit à contre-courant de la surenchère spectaculaire et du recyclage mercantile, il continue à occuper une place très singulière, et même salutaire, au sein du cinéma américain.

La ressortie en salles de sept films de Jacques Doillon ("Les Doigts dans la tête"," La Femme qui pleure", "La Drôlesse", "La Vie de famille", en mars ; "La Vengeance d'une femme", "Le Petit Criminel", "Amoureuse", en avril en 2022) offre une belle occasion de retrouver ce cinéaste majeur que les "Cahiers" n'ont cessé de suivre. Il nous a chaleureusement accueillis dans sa maison normande pour évoquer son parcours, mais aussi "CE2", son dernier film, actuellement bloqué pour des raisons qu'il explique ici.

Ada, l'héroïne des "Poings desserrés", vit un quasi-esclavage domestique dans une cité minière déglinguée de l'Ossétie du Nord, enclavée entre deux montagnes pelées et poussiéreuses. Ses deux seuls horizons sont une barre HLM, contre les murs de laquelle de jeunes désoeuvrés tirent à balles réelles ou lancent des pétards - élargissant le champ de leurs loisirs à des rodéos automobiles -, et une minuscule échoppe de quartier, où vient régulièrement lui conter fleurette le jeune Tamik, qu'elle rejette avec constance.