« Il faut commencer par voir beaucoup et revoir souvent», dit Buffon. A l'ordre du jour, après celle de John Ford, l'Amérique de Raoul Walsh et de ses "Implacables", comme autant de terres promises.

Comme souvent avec Bruno Dumont, le malentendu tient à un cheveu, à une syllabe. "France" n'étant pas titré "La France", il faut résister à la tentation d'entendre ici l'invocation d'un territoire délimité - façon "Flandres" ou "Twentynine Palms" - ou la promesse ronflante de cristalliser l'âme d'une nation. Mieux vaut distinguer le faux-nez du film, moins occupé par la France que par une certaine France, flamboyante mais minuscule, et perdue dans l'immensité d'un mirage : celle qui s'incarne sous les atours de l'héroïne, France de Meurs.

Une jeune femme en moto, suivie par une caméra douée d'une saisissante ubiquité ; une combinaison de cuir dézippée ; un collant déchiré pour exposer un genou ; un tweet nationaliste récité syllabe par syllabe ; une chanson chantée face caméra ; une vidéo YouTube. Pendant les premières minutes du nouveau film de Nadav Lapid, les images, les registres, les échelles se télescopent avec une énergie rappelant celle qui irriguait "Synonymes".

Todd Haynes, néo-documentariste, s'aventure en souterrain connu.

Laura, Finlandaise installée à Moscou, s'apprête a partir vers un site archéologique reculé pour y admirer des pétroglyphes vieux de 10 000 ans, mue par un instinct davantage que par une raison. Si elle parle une langue étrangère, c'est au propre et au figuré : quelque chose en elle semble ne pas coïncider. S'éloigner de son pays et partir aux confins d'un autre constitue alors le détour nécessaire pour rejoindre cette part d'elle-même qui sait penser en-deçà des mots. Sommaire. Préhistoire d'amour. Vers la mer : entretien avec Juho Kuosmanen.

Après l'édition DVD des films auxquels il a participé et la publication par les éditions L'Arachnéen des romans, cartes, correspondance, notamment les monumentales "OEuvres" (2007, rééditées en 2017), "Camérer. A propos d'images" révèle un pan méconnu et déroutant des écrits de cette figure hors normes de l'éducation et de la psychiatrie. Sommaire. Cinéma permanent. Entretien : en marge du cinéma.

Le projet collectif d'une "Cinémathèque idéale des banlieues du monde" sera inauguré en février prochain au Centre Pompidou autour du cycle consacré à la cinéaste qui l'a instigué, Alice Diop. Une première étape de cette vaste programmation est montrée jusqu'au 18 décembre 2021 aux Laboratoires d'Aubervilliers, en écho à l'exposition à ciel ouvert "Par quatre chemins".

Il faut le rappeler : Paul Thomas Anderson est né il y a 51 ans à Studio City, quartier bien nommé de Los Angeles. Devenu l'un des cinéastes américains les plus doués de sa génération, il continue à faire de la mégalopole californienne son terrain de jeu préféré. Après un détour par la Grande-Bretagne avec "Phantom Thread" (2017), "Licorice Pizza" le ramène à sa terre, aux décors de "Boogie Nights" (1997), "Magnolia" (1999) ou encore "Inherent Vice" (2014). En toute logique, c'est donc à Los Angeles que nous avons retrouvé Paul Thomas Anderson pour évoquer ce neuvième long métrage.

"Tu as de la chance avec les femmes, Bel Ami. Tellement de chance avec les femmes, Bel Ami... ", répète d'une voix suave l'acteur Willi Forst dans une chanson intitulée "Du hast Glück bei den Frau'n, Bel Ami !" (dont une version figure dans le film "Bel Ami" que le comédien autrichien réalisa lui-même en 1939). Ce foxtrot suranné, dont la frivolité est typique des comédies tournées sous le IIIe Reich, fait irruption dans le documentaire "The Memory of justice" (1976) de Marcel Ophuls, alors qu'une demi-douzaine de femmes et d'hommes se prélassent, intégralement nus, dans un sauna de Hambourg.

Régulièrement, les "Cahiers" sont revenus sur ces deux questions qui les intéressent depuis toujours : que fait le cinéma français de la France, et que fait-il de la politique ? Des questions bien sûr intimement liées, et qui furent dans cette revue l’objet d’importants ensembles ces dix dernières années : « La France, qu’en pense le cinéma ? » (no 665, mars 2011) et « Le vide politique du cinéma français » (no 714, septembre 2015).

Avec "Un autre monde", acclamé par la critique internationale au dernier festival de Venise (lire n° 729, p. 30), Stéphane Brizé clôt une trilogie entamée avec "La Loi du marché", en 2015, suivi d'"En guerre", en 2018. Trois films avec Vincent Lindon pour protagoniste, trois oeuvres centrées sur l'humain comme variable d'ajustement d'un néolibéralisme pernicieux. Un autre monde présente ici l'amont de ce dont "La Loi du marché" était l'aval, à savoir la programmation d'un plan social draconien et sacrificiel.