C'est le film le plus effrayant que j'ai vu depuis plusieurs années. Sans doute parce qu'avant d'être un film d'horreur, c'est un film sur l'enfance. L'idée d'Eskil Vogt, coscénariste de tous les films de Joachim Trier, qui signe ici sa seconde réalisation, n'était pas d'interroger les codes du genre ni la façon de les bousculer, mais bien de plonger dans le monde de l'enfance, dans son imaginaire délirant, dans son absence de limite inquiétante et d'y retrouver une intensité de sensations qu'adulte, on croyait avoir oubliée.

De nuit, sur une plage, une femme en robe blanche marche, titube plutôt. Elle est blessée. Parvenue au bord de l'eau, elle tombe, morte. Ces images intrigantes ouvrent le premier film très troublant réalisé par l'actrice Maggie Gyllenhaal. On pourrait dire qu'il s'agit d'un film sur la difficulté d'être mère, d'être femme, d'être femme et mère. Un tel résumé ne serait pas faux. Il ne rendrait pas justice à une oeuvre qui n'a rien du film-dossier, mais nous donne à voir la complexité d'un être par des moyens proprement cinématographiques et en faisant surgir une certaine étrangeté.

Commençons par la fin. "Cinq Nouvelles du cerveau" s'achève à Lascaux. Image primitive bouleversante. Image de peu de chose : de la terre colorée et l'empreinte d'une main sur la paroi d'une caverne. Cette main qui a fabriqué l'oeuvre témoigne des aurochs, des chevaux, des cerfs... et de l'humain au paléolithique supérieur. Le nouveau film de Jean-Stéphane Bron s'est ouvert sur l'image d'un cerveau posé sur un lit de glace, sur le son des électrodes qui travaillent... pour s'achever sur cette main.

En tant que perspective sur les Troubles, "Belfast" fait date. Dans la cité éponyme, le témoin de la reprise du conflit est un garçon, fils d'ouvrier protestant. L'éruption de violences correspond à son initiation à l'âge l'adulte et à la fin du bonheur de l'enfance. Filmer une enfance heureuse au moment où elle se brise est une entreprise délicate. Parmi les films déclinant le sujet, la place accordée au plaisir du spectacle se remarque.

Le dictionnaire Le Petit Robert nous confirme dans notre intuition première : le terme "inadapté" est bien d'utilisation et d'emploi assez récents dans la langue française (1845), et il semble accompagner la mobilité croissante de la société occidentale de l'époque, fruits directs de l'individualisme et de la rationalité. Il faut suivre le rythme du mouvement du monde dans un cadre assez strict de normes, avec une parcelle de liberté qui ouvre la voie à la fois à l'espoir et à l'échec.

Il existe en gros deux voies dans le documentaire traitant de l'adolescence.

"Tout est prêt !" L'épouse (Françoise Lebrun) prépare au début de "Vortex" un apéritif pour deux, joliment arrangé sur la terrasse d'un appartement parisien. La configuration des pièces lui permet d'apercevoir en vis-à-vis son mari (Dario Argento), qui se coiffe dans la salle de bains. L'organisation de l'espace qui raccorde les regards encore amoureux, les verres qui s'entrechoquent ensuite pour un toast à la vie ("un rêve dans un rêve", dit le mari, citant Poe)... A l'ouverture de "Vortex", tout communique.

Si depuis "La Leçon de piano" ("The Piano", 1993), qui marquait le début de sa reconnaissance publique et critique, Jane Campion a souvent été louée pour la justesse de ses représentations féminines, "The Power of the Dog" (2021 ; lire n° 730) nous rappelle en quoi cette qualité ne saurait se limiter à la caractérisation d'un genre unique. Tout en réinterrogeant la représentation de la femme à l'écran, le travail entamé par la réalisatrice néozélandaise a toujours engagé la prise en compte du masculin comme source de réflexion et de complémentarité.

Il fut un temps (les années 1970) où le bleu de travail, la chaîne ou la sueur ouvrière ne constituaient pas un point aveugle du cinéma, un hors-champ un peu honteux en raison de son inesthétisme et du vocabulaire carencé des personnages.

La beauté de "Frère et soeur", en compétition dans la Sélection officielle cannoise et en salles le 20 mai, a rendu urgent notre désir de rencontrer Arnaud Desplechin, avec qui les "Cahiers" ne s'étaient pas entretenus depuis 2008. C'était au moment d'"Un conte de Noël", jalon de la veine familiale de son cinéma avec laquelle son dernier film renoue tout en y apportant une frontalité et une luminosité inédites.

Marco Bellocchio va présenter à Cannes sa première série, "Esterno notte", où il revient sur l'affaire Aldo Moro, déjà abordée en 2003 dans "Buongiorno, notte". L'an passé, nous découvrions sur la Croisette le très beau, et toujours inédit en France, "Marx peut attendre", documentaire consacré au suicide de son frère jumeau Camillo, et aux effets de cette mort sur sa famille et son oeuvre.

Reconstitution d'une expédition de 1961 qui conduisit une équipe de jeunes Piémontais au fin fond de la Calabre pour l'exploration d'une grotte, "Il buco" pointe d'emblée un contraste, en précisant cet écart géographique puis en mettant en scène l'arrivée fracassante du groupe de spéléologues dans un village situé près du massif du Pollino.