Dans une interview menée par Todd Haynes (le producteur exécutif de quatre de ses films), Kelly Reichardt racontait son enfance passée dans la torpeur humide de la Floride. Sa mère travaillait à la brigade des stups. Son père était technicien de scènes de crime. Il débarquait sur les lieux, photographiait et rapportait à la maison des catalogues de clichés de décors sordides. Très tôt, l'image pose son empreinte sur la jeune fille.

Après avoir posé quelques bases techniques et théoriques munies d'exemples dans notre premier dossier ("Positif" n.717, novembre 2020), nous revenons à quelques repères historiques par pays, par cinéastes ou par genres. Dans le cinéma classique, le plan-séquence a volontiers été choisi par des réalisateurs souhaitant affirmer leur autonomie et s'affranchir de leurs producteurs, délaissant le découpage traditionnel pour ne laisser d'autre choix au montage que celui de la prise retenue : une sorte de final cut absolu, en quelque sorte.

Amplifié par la crise sanitaire, le succès des plateformes précipite le rétrécissement du parc de salles américain. Après la sortie sur Netflix de "The Irishman", Martin Scorsese s'apprête à tourner sa prochaine fiction sous la bannière Apple, et pourtant, dans un récent article sur Fellini paru dans "Harper's Magazine", il alerte : le cinéma peut-il survivre dans un secteur où seuls comptent les « contenus », pas les oeuvres ? Nous nous interrogeons sur ce qu'il advient de la politique des auteurs dans ce système de production, de diffusion et même, de formation.

La parution, en décembre2020r chez Warner, d'un imposant coffret incluant tous les films réalisés par Clint Eastwood ainsi que tous ceux où il joue l'un des rôles principaux, constitue une nouvelle occasion de se plonger dans son oeuvre, aussi cohérente devant que derrière la caméra.

En trois films, Chloé Zhao s'est imposée comme l'un des peintres les plus fins de l'Amérique contemporaine, aux côtés de Jeff Nichols ou de Debra Granik. Elle n'est pas née dans l'Arkansas ou le Massachusetts, pourtant, mais à Pékin, en 1982, et possède toujours la nationalité chinoise.

Quatre longs métrages et, aujourd'hui, cinq autres regroupés sous le titre "Small Axe" et cinq entretiens avec notre revue. C'est dire l'importance que nous accordons à l'oeuvre de Steve McQueen depuis la découverte éblouie de "Hunger", Caméra d'or au Festival de Cannes en 2008. Il aurait dû faire son grand retour sur la Croisette en 2020 avec la sélection de "Mangrove" et "Lovers Rock", deux parties de "Small Axe".

Les plateformes visent la jeunesse. On rénove des mythes ("Lupin", divers, 2021), on imagine la jeunesse de personnages qu'on a connus plus mûrs ("Ratched", Ryan Murphy, 2020 ; "Le jeune Wallander/Young Wallande"r, Ben Harris, 2020). Séries, miniséries et autres formats se destinent à un public jeune ou mettent en scène des personnages jeunes. Les deux, pourtant, ne sont pas à confondre.

Ingmar Bergman et Federico Fellini, voilà deux réalisateurs européens devenus dès les années 1950 des références mondiales du 7' art, ayant produit des scènes mythiques connues de tous, même des non-cinéphiles, et collectionné prix et récompenses. Qu'on les admire ou qu'on les déteste, leurs oeuvres ont suscité d'innombrables commentaires : le but de cette courte présentation, plutôt que d'ajouter une nouvelle glose, sera seulement d'esquisser à grands traits les points communs et les différences dans les parcours de ces deux cinéastes.

Des redresseurs de torts, inconditionnels du politiquement correct, ne manqueront pas de nous reprocher de consacrer un dossier à un cas flagrant d'appropriation culturelle. De quel droit, diront-ils, de grands cinéastes - Renoir, Cukor, Lean, Lang, Duras, Ford, Ivory, Carneau, Malle - sont-ils allés trouver leur inspiration dans une culture et un pays qui leur sont étrangers? Pourtant, l'Inde leur a inspiré certains de leurs meilleurs films.

Fêter 70 ans de "Cahiers" en se replongeant dans des films que la revue a su comprendre et aimer, ce n'est pas seulement regarder en arrière, mais continuer à dire ce qui les maintient vifs, tranchants. Indissociablement, l'hommage de la longévité à la jeunesse et au présent passe par une très bonne nouvelle: même en temps d'activité zéro de l'exploitation en salles, les films continuent à être imaginés, écrits, préparés, tournés, montés et mixés.

"Les Cahiers" ont accompagné les jeunes années cinéphiles de Jim Jarmusch, avant qu'il ne devienne l'un des cinéastes compagnons de la revue. C'est pourquoi il nous a paru naturel de le convier à cet anniversaire. Cinq ans après une rencontre à New York ("Cahiers" no 726), cette conversation débute à Paris au milieu des années 70, puis se poursuit comme une balade impromptue, où il est question de cinéphilie, de poésie, de critique et d'obstination à créer malgré tout.

La vague n'est plus nouvelle. Voilà longtemps qu'elle s'est disséminée sur les rochers : les aventures individuelles, puis la mort. Il importe peut-être plus, aujourd'hui, d'examiner l'originalité des cinéastes qu'elle a portés que d'envisager son apport collectif. Les deux metteurs en scène qui font l'objet de ces pages ont certes employé les mêmes acteurs et encouru le même reproche, plutôt futile : celui d'avoir trahi l'inspiration initiale du mouvement. Ils n'ont pas entrepris de remettre ostensiblement en cause à chaque instant tous les usages du cinéma narratif.