Voilà déjà la troisième fois que nous rencontrons le tandem Benoît Delépine-Gustave Kervern, après "Louise-Michel" (no 576, février 2009) et "Le Grand Soir" (no 616, juin 2012). Entre-temps, tous leurs films nous ont intéressés, mais il nous a semblé qu'avec "Effacer l'historique", Ours d'argent de la 70e Berlinale en février 2020, ils avaient encore franchi un cap.

Le monde de l'enfance ne connaît pas la proportion. Un mot seul peut détruire, un rire tout dévaster, un regard, tout simple, transfigurer. Les émotions et les affects ne sont pas à la mesure du petit être mais démultipliées à l'envi, comme l'illustrent brillamment deux films récemment réédités du trop méconnu cinéaste lituanien Arunas Zebriunas : "La Jeune Fille à l'écho" et "La Belle".

Albert Dupontel nous a reçus à la fin de l'été sous les hauts plafonds d'un hôtel particulier en ruine. Moulures moyenâgeuses, immenses cheminées qui n'ont jamais été tirées, escaliers en colimaçon qui forment des labyrinthes... C'est ici, à quelques pas du parc Monceau, à Paris, que le cinéaste goupille depuis plusieurs années des films qui ne ressemblent à aucun autre. L'endroit est étonnant, à part, baroque, barré, magnifique... Au fil de la conversation, on s'aperçoit que ce vieil immeuble parisien un peu secret ressemble diablement à son hôte.

Seul film parmi les quatre-vingts tournés par Naruse à avoir été diffusé en France peu de temps après sa sortie au Japon, en 1952, "La Mère" a constitué l'unique voie d'accès des cinéphiles français à l'univers de son auteur - avant que moult rétrospectives, à la fin des années 1970, ne viennent l'installer au panthéon des metteurs en scène nippons.

Lorsqu'il décide d'adapter le roman de Han Bangqing, "Les Fleurs de Shanghai", paru en 1893, Hou Hsiao-hsien vient d'opérer avec Goodbye South Goodbye (1996) une première rupture formelle avec les chroniques intimistes et historiques qui caractérisent sa trilogie centrée sur l'histoire de Taïwan.

Mensonge d'Etat, profanation de la vérité, omnipotence dictatoriale : Varsovie 83, une affaire d'Etat plonge dans les heures sombres d'un bloc de l'Est qui n'en était pourtant pas avare. Pour son deuxième long métrage après "The Last Family" (2016), Jan P. Matuszynski met brillamment à nu les dispositifs de protection avec lesquels le totalitarisme assure sa longévité, tirant le meilleur parti du « petit tas de secrets » que les pions humains égrènent à leur insu.

"Positif" décrypte trois réalisations du réalisateur hongrois, Bela Tarr, "Le Nid familial", "L'Outsider" et "Damnation".

Tandis que Donald Trump s'accrochait de toute sa mauvaise foi aux rideaux de la Maison-Blanche, tandis qu'une Amérique déchirée s'affrontait, la production audiovisuelle s'imprégnait de l'émotion ambiante. Films, séries, miniséries, frontalement ou par allusion, mettent en scène le double visage de l'Amérique. Une tradition thématique qui remonte à l'époque classique (John Ford et le méconnu "La Dernière Fanfare") et que "Les Sept de Chicago" d'Aaron Serkin prolonge. Trump a-t-il perçu la dimension critique de "Citizen Kane" d'Orson Welles, en lequel il voyait son film préféré? Hasard?

La presque totalité de l'oeuvre de Billy Wilder pourrait se résumer à cette phrase : les faux-semblants et les falsifications du réel sont les étapes obligées d'un parcours de construction personnelle. Mensonges, usurpations d'identité, subterfuges, travestissements, simulacres, mystifications : tous les moyens sont bons pour donner corps au fantasme, avant que le retour à la dure réalité ne vienne fracasser les illusions, pourtant nécessaires à l'acceptation de soi.

C'est toujours un plaisir doublé d'une leçon de mise en scène que de retrouver les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne pour évoquer leur dernier film. Avec "Tori et Lokita", ils abordent une nouvelle fois le motif de la fratrie. Après "Le Silence de Lorna" (2008), ils réussissent leur deuxième incursion dans le polar, un genre ultra-codé qu'ils adaptent ici aux dimensions d'un conte cruel à hauteur d'enfants piégés dans les rets d'une mafia.

La critique d"'Irma Vep", la série d'Olivier Assayas par Baptiste Roux.

Auteur du remarquable "Domaine" (2019), une fresque qui revisitait l'histoire récente du Portugal à partir de celle d'un grand propriétaire terrien, Tiago Guedes s'intéresse, dans Traces, à l'origine de la violence et à ses séquelles, au sein de l'écosystème d'un petit village.

La contingence que fabrique la réalité peut, par les aléas des situations et la réaction de ceux qui s'y voient confrontés, concurrencer, sans conteste, les meilleurs scénarios. Cette minisérie documentaire de Samuel Collardey rend compte, sur huit ans, d'un meurtre infâme dans une "gated community" du comté de Brevard (au sud de la Floride) et de ses conséquences judiciaires.

Le nom de Corman fait surgir instantanément des affiches criardes sur lesquelles des monstres herculéens défient des 'teenagers' convulsés, une promotion de bandes bâclées en quelques jours et tournées à la chaîne. Mais cette industrie commerciale peut connaître ses moments d'art, comme l'atteste le cycle consacré à l'adaptation de nouvelles d'Edgar Allan Poe, entre 1960 et 1964.

L'ennui avec l'insignifiant est qu'il ne le demeure que pour une durée indéterminée. Un événement trivial (le vol, dans la réserve d'un hypermarché de banlieue, d'une bouteille de margaux à 500 euros), dont les conséquences devraient se trouver limitées aux profits et pertes du magasin, devient ainsi le premier rouage d'une mécanique implacable destinée à broyer des existences.

Il faut l'avouer, cela fait déjà un moment que la constellation Kusturica a disparu de notre ciel cinématographique. Trente ans après sa sortie, revoir "Arizona Dream" s'apparente ainsi à la visite que l'on rendrait à un ami cher, perdu de vue, et avec lequel les échanges pourraient vite tourner court. Pourtant, dès la séquence esquimaude initiale, les retrouvailles se font fécondes et nous renvoient à notre jubilation première, complétée par la connaissance des chefs-d'oeuvre ultérieurs que sont "Underground" (1995) et "Chat noir, chat blanc" (1998).

En quinze années de collaboration, "Hijo de sicario" est le premier film réalisé par Astrid Rondero et Fernanda Valadez, après "Sans signe particulier", signé de la seule Fernanda Valadez (que nous avions interviewée en décembre 2020, dans notre no 718) et "Los dias mas oscuros de nosotras" ("The Darkest Days of Us", 2017, inédit en France), mis en scène par Astrid Rondero. Dans le présent film, les deux cinéastes poursuivent l'autopsie d'un pays où la violence est l'alphabet d'une société balafrée par la misère et la désespérance.

Le bandeau promotionnel de la jaquette de ce coffret édité par Carlotta arbore fièrement : "Un auteur plus que moderne, résolument contemporain et universel". Après le visionnage des six Blu-ray et la lecture du livre d'entretiens qui les accompagne, ces adjectifs semblent hors sol pour caractériser une oeuvre qui traite son époque avec une prudence circonspecte, réhabilite la culture populaire et se préoccupe comme de sa première gauloise de rupture esthétique - tout en livrant le plus précieux des témoignages sur la révolution des consciences.

La projection à Cannes de "All We Imagine as Light" a révélé une cinéaste indienne - un événement -, justement distinguée par le Grand Prix du jury. Mariant, avec une sûre maîtrise, le naturalisme et la poésie visuelle, la symphonie urbaine et la pastorale, les émotions et le politique, Payai Kapadia, pour sa première oeuvre de fiction, envoûte avec un portrait de femmes qui s'éveillent peu à peu aux contradictions d'une société économiquement dérégulée, minée par un patriarcat ancestral.