Ayant achevé, avec "Un autre monde" (2021), une trilogie sur l'entreprise, le travail et les souffrances qu'inflige un système où l'exigence de rentabilité l'emporte sur toute autre considération, Stéphane Brizé s'est échappé dans une station balnéaire déserte pour retrouver la veine intimiste de son cinéma, dans un film où il est question des risques qu'on n'ose pas prendre et de la difficulté de vivre, où la mélancolie se mêle à une poésie de la dérision.

Au printemps 1976, Pierre Goldman, activiste d'extrême gauche qui a dérivé vers le banditisme, comparaît devant les assises d'Amiens pour le meurtre de deux pharmaciennes qu'il nie avoir commis. Pour la troisième fois de sa carrière après "Roberto Succo" (2001) et "Vie sauvage" (2014), Cédric Kahn tire un récit de faits authentiques. Pour la première fois, il signe un film d'époque, présenté à Cannes en ouverture de la dernière Quinzaine des cinéastes.

En septembre 2014, impressionnés par la puissance des "Combattants", son premier long métrage, nous avions tenu à rencontrer Thomas Cailley. S'il a tant tardé avant de tourner son second film, c'est qu'il voulait être à la hauteur de ses aspirations et trouver le sujet qui lui permettrait d'explorer ce mélange des genres si réussi dans son coup d'essai. Entretemps, Ad vitam, une mini-série pour la télévision, lui a permis de creuser certains thèmes (la filiation, le rapport à l'autre...) tout en découvrant de nouvelles conditions de tournage qui l'ont préparé à l'aventure du "Règne animal".

La fin du livre est toute proche lorsque Bertrand Tavernier cite, à propos du réalisateur Francis Mankiewicz, une phrase de la romancière québécoise Gabrielle Roy : "La mort du présent n'est rien. C'est la perte de l'avenir en soi qui est déchirante." À quel moment a-t-il compris qu'il ne finirait pas ses Mémoires, entrepris à défaut de pouvoir tourner encore des films, alors que le monde était soudain mis à l'arrêt par une pandémie, et qui nous sont donnés non seulement inachevés, mais aussi sans avoir été relus, lissés, affinés par son auteur ?

Dans l'effervescence et l'abondance cannoises, "Vingt Dieux" sortait du lot. Il nous a sidérés par sa sincérité, par sa force, par son originalité. Par sa perfection aussi, car, dans le genre ou plutôt - le film échappant à une catégorisation en termes de genre cinématographique - dans le style qu'il s'est donné, "Vingt Dieux" est un film parfait. Casting, direction d'acteurs, image, scénario s'emboîtent souverainement pour le plus grand plaisir du spectateur. Une telle maîtrise est d'autant plus remarquable qu'il s'agit d'un premier film.

Quatre ans après "3 Billboards, les panneaux de la vengeance", "Americana" rageuse et drôle qui avait fait la couverture de notre revue (no 683, janvier 2018) et valu à Frances McDormand l'Oscar de la meilleure actrice, Martin Mc Donagh surprend de nouveau avec "Les Banshees d'Inisherin", inclassable thriller ironique qui croise" L'Homme tranquille" de John Ford (1952) avec l'univers des frères Coen.

Pour qui a la curiosité d'effectuer une recherche sur le palais Nimtita, où fut tourné "Le Salon de musique", la découverte des photos sur la Toile est saisissante.

Après les propos recueillis par Mamad Haghighat (no 735, p. 24) "Positif" a souhaité rencontrer Saeed Roustaee ("La Loi de Téhéran"), à l'occasion de la sortie de "Leila et ses frères". Révélé par la compétition cannoise, cet opus, oublié du palmarès, a frappé les esprits par ses différences d'avec le récent thriller qui avait triomphé en Iran et conquis un large public en France.

La critique du film "La Nuit du 12" de Dominik Moll par Jean-Dominique Nuttens.

Six ans après "Baccalauréat", le chef de file de la Nouvelle Vague roumaine revient avec un projet très ambitieux : une radiographie des troubles et des angoisses de l'âme humaine à l'heure de la mondialisation et des nouvelles directives économiques européennes. Inspiré d'un fait divers récent, mettant au jour la xénophobie de notre époque, R.M.N. (initiales de "résonance magnétique nucléaire", l'examen cérébral auquel est soumis le père du protagoniste) est un film-monde diffracté, lacunaire, mystérieux, complexe, au risque parfois de dérouter les spectateurs du dernier Festival de Cannes.

En 1995, Thomas Vinterberg, Lars von Trier et quelques autres cinéastes danois faisaient voeu de chasteté cinématographique en rendant publics les principes de leur "Dogma 95" comportant dix règles incontournables pour combattre "le film illusionniste" et éviter la prévisibilité dramaturgique : caméra portée à la main, refus des films de genre, interdiction des actions superficielles et des détournements temporels et géographiques (le film se déroule ici et maintenant)...

Périodiquement, les films d'Ida Lupino sont montrés et admirés lors de festivals ou de rétrospectives (festival d'Amiens en 2005, Cinémathèque française en 2007, Institut Lumière en 2014...), sans que ces moments d'exposition ne conduisent à la reconnaissance durable d'une oeuvre qui fait d'elle, non une pionnière parmi les réalisatrices avec Dorothy Arzner, comme on le lit partout, mais simplement une grande cinéaste. La sortie en salles de cinq des sept films qu'elle a réalisés, que l'on ne peut qu'inciter à voir tous, permettra-t-elle de la faire plus largement connaître et aimer ?

De nuit, sur une plage, une femme en robe blanche marche, titube plutôt. Elle est blessée. Parvenue au bord de l'eau, elle tombe, morte. Ces images intrigantes ouvrent le premier film très troublant réalisé par l'actrice Maggie Gyllenhaal. On pourrait dire qu'il s'agit d'un film sur la difficulté d'être mère, d'être femme, d'être femme et mère. Un tel résumé ne serait pas faux. Il ne rendrait pas justice à une oeuvre qui n'a rien du film-dossier, mais nous donne à voir la complexité d'un être par des moyens proprement cinématographiques et en faisant surgir une certaine étrangeté.

Tandis que Donald Trump s'accrochait de toute sa mauvaise foi aux rideaux de la Maison-Blanche, tandis qu'une Amérique déchirée s'affrontait, la production audiovisuelle s'imprégnait de l'émotion ambiante. Films, séries, miniséries, frontalement ou par allusion, mettent en scène le double visage de l'Amérique. Une tradition thématique qui remonte à l'époque classique (John Ford et le méconnu "La Dernière Fanfare") et que "Les Sept de Chicago" d'Aaron Serkin prolonge. Trump a-t-il perçu la dimension critique de "Citizen Kane" d'Orson Welles, en lequel il voyait son film préféré? Hasard?

La vie d'un metteur en scène ressemble rarement à une autoroute. Depuis "Loving", en 2016, Jeff Nichols semblait égaré dans les inextricables chemins buissonniers du cinéma. Si nous avions croisé de loin le réalisateur de "Take Shelter" (2011) et "Mud" (2012) dans le jury cannois de Vincent Lindon en 2022, il tardait à faire aboutir ses propres projets. Et voici donc enfin cet été 2024 "The Bikeriders", une superbe traversée du temps sur deux roues et en blouson de cuir. Nous avons retrouvé Nichols, très loquace, depuis son bureau d'Austin au Texas, entouré de livres et de documents.

Quelques films ont fait la réputation de Lino Brocka dans les années 1970 et 1980, grâce aux efforts de Pierre Rissient, qui fit découvrir "Insiang" à Cannes avant de venir en aide au cinéaste à plusieurs reprises pour faciliter la préparation et la diffusion de ses oeuvres. Ce fut notamment le cas pour "Bona", présenté lui aussi au Festival de Cannes, en 1981, mais jamais distribué en France, de sorte que, plus de quarante ans après sa réalisation, il est une découverte pour la plupart des spectateurs.