Rares sont les metteurs en scène qui peuvent se targuer d'une filmographie sans déchet, certifiant au spectateur la promesse de grandes oeuvres, exploit remarquable quand les films en question se comptent en dizaines, comme c'est le cas pour Yasujiro Ozu.

"Ca filme, c'est ça la vérité", répond Simon, terrassé par un malaise, à sa directrice de production, devant la caméra de Joseph, responsable du 'making of'.

Lorsque le premier long métrage d'Arthur Harari, "Diamant noir", est sorti en 2016, "Positif" a aussitôt remarqué sa singularité. Le réalisateur y reprenait les codes du film noir, tout en insufflant une modernité qui en faisait une entreprise singulière. Avec "Onoda", son nouveau projet, Arthur Harari ne déçoit pas les attentes. Au contraire, l'ambition de son scénario et la précision de sa mise en scène épurée prouvent que le cinéma français a désormais affaire à une personnalité et à un talent avec lesquels il faut compter. Sommaire.

Coïncidence cinématographique, deux films traitent, à moins d'un an de distance, de la langue sibilante et de ses étonnantes ressources communicationnelles. Si "Sibel" (cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti, 2018 ; voir no 697, p. 42) nous donnait à découvrir un langage dont le sifflement est l'unique composante morphologique, le dernier long métrage de Porumboiu s'intéresse plus particulièrement aux possibilités de codage que représente l'idiome sifflé des Guanches, le peuple autochtone de La Gomera.

"L'Evangile selon Saint Luis" (René Gilson, France-Observateur), "Dans la grande tradition des fous espagnols" (Octavio Paz, Les Lettres françaises), "Nazarin ou Eros contre le Christ" (Jean Domarchi, Arts), "Un nouveau Don Quichotte"(Georges Sadoul, Les Lettres françaises) : autant d'articles, autant d'approches d'une oeuvre qui, soixante ans après sa sortie, est rétive à l'univocité...

Par le passé, nous n'avons pas été indulgents pour certains films de Sébastien Lifshitz, nous en avons négligé d'autres ("Les Invisibles", 2012). Pourtant, dans un bref compte rendu cannois (no 629-630, été 2013}, Nicolas Bauche le désignait comme "un cinéaste qui attend son heure de gloire". Primé à Locarno, "Adolescentes" a suscité dans notre rédaction une adhésion sans réserve : et si cette heure était arrivée ?

La réédition des films majeurs de Widerberg, dont "La Beauté des choses" (1995) est l'oeuvre ultime, aura permis aux jeunes cinéphiles de placer un troisième nom sur la carte du cinéma suédois, à côté de Sjostrom et Bergman.

En novembre 2018, Malavida avait ressorti "Le Départ", film iconique de la modernité européenne tourné avec Jean-Pierre Léaud à Bruxelles, en 1967. En mars et avril 2019, le distributeur spécialiste des cinémas d'Europe du Nord et de l'Est fait reparaître sur les écrans français les deux premiers films virtuoses de Jerzy Skolimowski, "Rysopis" (1964) et "Walkover" (1965), oeuvres en partie autobiographiques réalisées en Pologne, ainsi que l'hallucination londonienne "Travail au noir" (1982) et le huis clos maritime américain "Le Bateau-phare" (1985).

Un peu comme "Les Etendues imaginaires" de Yeo Siew-hua que nous avions défendu il y a deux mois, "Dieu existe, son nom est Petrunya" appartient à la catégorie des films qui dévoilent la réalité d'un pays tout en portant sur elle un regard fécond et singulier. Ici, ce sont le machisme de la société macédonienne, l'enlisement du pays dans des traditions sclérosées ainsi que le rapport entre l'Etat et l'Eglise qui fournissent la toile de fond de l'intrigue.

A l'occasion de la reprise du film par Carlotta Films, "Positif" vous accompagne dans le visionnage fleuve de "Satantango" de Bela Tarr réalisé en 1994.

Depuis quarante ans, Robert Guédiguian poursuit une entreprise singulière dans l'histoire du cinéma, une sorte de journal de bord des mouvements tectoniques qui ébranlent de manière sourde la société française et réaffectent les lieux et les hommes selon deux logiques implacables : celles du temps et du marché.

Présenté à Cannes 2022 dans la section Un certain regard et bardé de récompenses dans les festivals internationaux, Burning Days est le quatrième film d'Emin Alper, un universitaire turc venu au cinéma à la trentaine, dont le premier opus, "Derrière la colline", avait obtenu le prix du meilleur premier film à la Berlinale de 2012.

Une série de Polaroïd tire le portrait des demandeurs de l'aide sociale du Welfare Center de Greenwich Village, à New York, fin 1973. Le claquement et le roulement caractéristiques de l'appareil sont ici très loin des photos de vacances : les mines sont hagardes, les regards perdus, l'épuisement profond. Commence alors une plongée en apnée dans le chaudron du système caritatif et de son cauchemar administratif: trois heures de bouillonnement de détresses et de macération des colères.

C'est une histoire de cadres. Le premier plan filme de trois quarts une jeune femme, Martha, contre une fenêtre. Elle tient en main un texte dont elle connaît par coeur les répliques. C'est une mise en voix, pour un spectacle de marionnettes avec roi de carnaval et princesse à marier... Le plan ultime, lui, cadre aussi un personnage (Pieter) devant une baie vitrée, dans une institution psychiatrique.

Après un été 2022 oblitéré par un box-office apathique et la prophétie de la décrépitude irréversible du cinéma, les salles obscures ont, douze mois plus tard, retrouvé la santé commerciale qui leur faisait tant défaut. Le miracle s'appelle "Barbie", dont les résultats dépassent les plus folles espérances - plus d'un milliard de dollars de recettes dans le monde ; meilleur démarrage de l'histoire pour un film réalisée par une cinéaste ; premier week-end d'exploitation le plus rentable depuis des lustres... Il faut dire que la production n'a pas lésiné sur la promotion.

Cinéaste fascinant par sa capacité à introduire une singularité stylistique ou des enjeux inattendus dans l'éclectisme des formats qu'il aborde (courts métrages expérimentaux, films de fiction, minisérie), Steve McQueen propose avec "Occupied City", documentaire au long cours, une plongée historique et méditative dans l'Amsterdam de la Seconde Guerre mondiale.

Couvert de distinctions à Cannes (prix de la mise en scène dans la section Un certain regard et meilleur documentaire), "La Mère de tous les mensonges" est le premier long métrage d'une documentariste marocaine de 34 ans qui se confronte à la mémoire et aux traumas de son pays en refusant la facilité de l'enregistrement de la réalité.

Le visionnage du corpus intégral de Lars von Trier dans l'ordre chronologique s'apparente à la visite régulière que l'on rendrait à un proche hospitalisé dans un institut psychiatrique, transféré, semaine après semaine, dans des unités de soin plus intensives, passant de l'atelier thérapeutique ("The Element of Crime", 1984) au lit de contention en secteur de haute sécurité ("The House Thal Jack Built", 2018).

Un "véhicule" désigne, dans le cinéma américain, un film conçu et construit autour d'une star, dont le scénario est un prétexte à la mise en valeur des multiples facettes de son talent. Comme n'hésitait pas à le reconnaître son metteur en scène, "Bellissima" est un "véhicule" pensé pour Anna Magnani, et revendiqué comme tel. De fait, depuis "Les Amants diaboliques", Visconti se devait d'honorer une dette morale à l'égard de l'une des comédiennes les plus populaires de la Péninsule.

Septième long métrage de Wong Kar-wai, "ln the Mood for Love" a fait accéder le réalisateur hongkongais à une large audience et lui a valu une renommée internationale. Vingt ans après, il en a supervisé la restauration 4K, qui permet à un nouveau public de découvrir sur grand écran cette œuvre qui a marqué son époque et contribué à l'éveil des spectateurs occidentaux au cinéma chinois.

Le western classique partage avec la tragédie antique l'expression de thèmes universels (le mal, le chaos, la loi, la réparation, le sacrifice) stylisés, sur fond de justice immanente, de relation ambiguë à l'héroïsme et d'accès au vrai. Les deux genres condensent en une galerie de personnages des plus réduites ces grandes interrogations sur la place et la destinée de l'homme, que viennent travailler des pulsions destructrices ou sublimes. S'il existe un apaisement, il est souvent précaire et lourd de conflits potentiels, prélude à un cycle nouveau de sang et de représailles.

Deux sentiments auront accompagné le critique au cours des cinq jours dévolus à la mise en ligne des 15 films de la compétition : la frustration et la tentation. L'article se conclut par "Berlinale 2021. Les ailes du désir", l'analyse de Lorenzo Codelli.

Présenté en compétition à la Mostra de Venise 2021, "Le capitaine Volkonogov s'est échappé" offre une splendide leçon de cinéma, mêlant la fièvre épique et le picturalisme flamboyant au thriller moral. En Russie, l'oeuvre aurait pu valoir à son interprète principal, Youriy Borisov, découvert dans notre pays pour ses rôles dans "Compartiment no 6" (Juho Kuosmanen) et "La Fièvre de Petrov" (Kirill Serebrennikov) des triomphes similaires à celui de "Kalachnikov" (de Konstantin Buslov, inédit en France), une année plus tôt.

Couronné de prix à domicile (meilleur film irlandais du Dublin Film Critics Circle Awards) et dans les festivals internationaux (Grand Prix de la sélection Generation à la Berlinale 2022 et Prix du public à Tai pei), "The Quiet Girl" était aussi sélectionné pour les Oscars 2023 dans la catégorie du meilleur film étranger. Premier long métrage de fiction du documentariste et réalisateur de télévision Colm Bairéad, "The Quiet Girl" est l'adaptation de "Foster", une nouvelle de Claire Keegan, publiée en France sous le titre "Les Trois Lumières" (Sabine Wespieser Éditeur, 2011).

Cet automne, Roschdy Zem fait l'événement avec "Les Miens" qu'il réalise et interprète, ainsi qu'avec deux rôles remarqués chez Rebecca Zlotowski ("Les Enfants des autres") et chez Louis Garrel ("L'Innocent"). Des films où il joue les amoureux en revendiquant une part de fragilité que les metteurs en scène sollicitaient peu jusqu'ici et que l'on retrouve au coeur de sa sixième réalisation, la plus aboutie à ce jour.

Ils ne sont pas nombreux les cinéastes qui ont commencé dans les années 1960 et qui, six décennies plus tard, continuent à capter l'attention par leur originalité et leur invention. Moins nombreux encore à se renouveler radicalement. Tel Alain Cavalier, Jerzy Skolimowski est de ceux-là, qui depuis son retour au cinéma après des années de peinture, fraie des voies nouvelles.

Baptiste Roux chronique le dernier film de Jordan Peele, "Nope"

Si la nudité fait partie du vocabulaire courant de la sculpture et de la peinture, sa figuration au cinéma ne va pas sans poser un certain nombre de problèmes. Les prétextes mythologiques ou allégoriques qui justifiaient l'absence de vêtement ne sont plus opérants dans le cas du 7e art, pour lequel le nu n'a rien de naturel. Dès les années 1930, il s'est heurté à un tir de barrage pudibond, avec l'adoption du code Hays aux États-Unis. Pendant trois décennies, filmer le nu a obligé à louvoyer, entre contorsions scénaristiques et paravents opportuns, y compris dans le cinéma d'animation.

La fin des années 1960 est à Jean-Pierre Melville ce que furent les dernières années de la décennie antécédente pour Antonioni : l'accès à un autre langage.

La New-Yorkaise Eliza Hittman est une nouvelle révélation du cinéma indépendant américain avec ce troisième long métrage : "Never Rarely Sometimes Always" (après "It Felt Like Love" et "Beach Rats", tous deux disponibles sur plateformes). Depuis ses débuts, la réalisatrice s'attache au point de vue adolescent et au délicat passage à l'âge adulte.