Avec son court métrage portant le même titre et interprété par les mêmes acteurs, Ladj Ly avait déjà fait sensation. Le long métrage, qui fut une révélation au dernier festival de Cannes (voir no 701-702 p. 91), est autrement plus complexe et ambitieux. Porté par un élan qu'il sait insuffler à toute son équipe et à ses comédiens, le cinéaste dresse le portrait d'une banlieue qu'il connaît bien, pour y avoir grandi et filmé depuis de longues années.

Poète, résistant et dramaturge iconoclaste, Armand Gatti réalise un film à la demande de Fidel Castro, pour représenter Cuba au festival de Cannes en 1963. "El otro Cristobal" succède ainsi à "Cuba si" de Chris Marker (1961), au court métrage en forme de photomontage d'Agnès Varda "Salut les Cubains" (1962) et il précède "Soy Cuba" de Mikhail Kalatozov (1964).

Sur une étendue balayée par un vent susurrant, une camionnette bleue avance. Au volant, s'accordant avec le paysage rude et grandiose, un quinquagénaire barbu est revêtu d'un pantalon de cuir et d'un Perfecto, tenue complétée par un collier en bois et une bague en argent. Avant de prendre en stop un voyageur taiseux muni d'une dague en argent, ce routier rocker tue par accident un mouton. Rempli de remords, il se rend dans un monastère et demande des prières bouddhiques pour la transmigration paisible de l'âme de l'animal.

Berlin : travelling sur un jeune homme descendant une rue, tandis qu'il se présente, en voix off, en yiddish. Paris :arrivé à son bureau, Tal HeverChybowski, directeur de la Maison de la culture yiddish à Paris et organisateur d'un cours d'été, s'adresse à la caméra en hébreu. Ce début tombe sous le sens ; avec environ 10% d'emprunts à l'hébreu et des apports romans et slaves, le yiddish est, par essence, un dérivé du haut allemand. Hever-Chybowski est polyglotte, comme les quatre femmes et les deux hommes qui interviennent ensuite.

Présenté lors de la dernière Berlinale, "Ondine" a remporté l'Ours d'argent de la meilleure actrice (Paula Beer). C'est une récompense méritée car "Ondine" est sans doute le film le plus incarné et le plus charnel de Christian Petzold qui a aussi été récompensé du prix de la Fédération internationale de la presse cinématographique (Fipresci). A l'image du film, l'entretien que le cinéaste nous a accordé nous a entraînés sur un terrain où nous n'attendions pas le réalisateur : celui du mythe, de l'érotisme et du féminisme. Sommaire. Conte d'amour, conte à rebours, la critique du film.

Portrait de la vie intime, "High Hopes" associe la figure du couple aux thèmes de la filiation et de la procréation, leitmotive des films de Mike Leigh.

Née en 1905, décédée en 1991, la Britannique Muriel Box a consacré sa vie au cinéma. Scénariste, réalisatrice, elle compte à son actif des comédies, des films à suspense et des documentaires, faisant d'elle l'une des figures de proue des femmes dans le cinéma de ce siècle.

Le nouveau long métrage de Martin Scorsese, "The lrishman", est un film de grande envergure, par la période historique enlacée, par la variété des personnages, individuels ou en masse, par sa prestidigitation technique. Il marque un retour aux volets antérieurs d'une oeuvre à la saveur unique, une récapitulation poignante où la nostalgie s'inscrit dans une réflexion émouvante sur la brièveté de la vie. Sommaire. Peintre en bâtiment. Dans le calme de la nuit.

Ce coffret est fort d'atouts majeurs. Les oeuvres essentielles ont inspiré des suppléments d'une qualité réjouissante, des entretiens et des courts métrages, inédits ou restaurés, ainsi qu'une riche anthologie d'articles intitulée Les Films, le cinéma, ayant pour photo de couverture le documentariste en voyageur scrutant l'horizon et l'inconnu. Elle est signée Linda De Zitter, psychanalyste dont l'appréciation de "La Moindre des choses" (1996) souligne l'efficacité éthique et esthétique de l'approche de Nicolas Philibert.

Chacun des cinq films restaurés en HD, depuis "Le Maître du logis", film muet de 1925, jusqu'à "Gertrud", film testamentaire de 1694, est présenté par Patrick Zeyen avec discernement. S'y ajoutent : l'entretien avec Eric Rohmer pour la collection "Cinéastes, de notre temps" ; les commentaires succincts de comédiens et de Dreyer lui-même ; les appréciations des réalisateurs Arnaud des Fallières, Gaspar Noé, Olivier Assayas et Arnaud Desplechin. Parmi les bonus, des extraits de copies anciennes soulignent la superbe qualité de la restauration.

Ceci est une réappropriation audacieuse du genre. Des textes incendiaires de poètes, de peintres et de cinéastes sont déclamés par Cate Blanchett. Treize fois, tel un rhapsode antique, l'actrice porte le masque d'un personnage différent sur des toiles de fond modernes et changeantes...

Avec "Week-end" (2011), film sur deux jeunes gays, Andrew Haigh obtint de nombreux prix, dont celui du meilleur scénario du Evening Standard, et une mention spéciale du jury à Dinard. Pour "45 Ans" (2015), Haigh amplifiait le court récit de David Constantine, "In Another Country", et confirmait son talent de scénariste. Situés dans la province anglaise, ces films traitaient des secrets, d'abord, ceux d'une jeunesse désemparée, ensuite au sein d'un couple de seniors confrontés au bilan d'une vie. Pour leur prestation, Charlotte Rampling et Tom Courtenay ont reçu les Ours d'argent à Berlin.

Basé sur des récits historiques, "Confident royal" relate l'engouement de la Reine Victoria pour le clerc de prison indien Abdul Karim. A la caméra, le réalisateur Britannique Stephen Frears.

"Happy End" se trouve dans la droite ligne des satires aux allures de thrillers glaçants réalisées par Michael Haneke.

Dans un salon new-yorkais, Max Zorn, Berlinois, présente son nouveau roman en jouant la note personnelle. Sur son lit de mort, son père dit que ce qui compte dans la vie, ce sont la chose faite et que l'on regrette, et la chose qu'on a omis de faire et que l'on regrette également. Comme ce père préférait la philosophie à la fiction, Max lui a apporté "On What Matters" (Ce qui compte) de Derek Parfit, moraliste anglais (1942-2017) qui s'intéresse au rapport entre notre désir et notre motivation apparente.

La réalisatrice Sally Potter livre un drame de moeurs dans la plus pure tradition du cinéma britannique, magnifié par un noir et blanc sensuel ainsi qu'une distribution excellente.

Metteur en scène majeur, Mikio Naruse (1905-1969) n'a été reconnu en Europe qu'après Yasujiro Ozu (1903-1963), et forme désormais avec lui et Kenji Mizoguchi (1898-1956) un trio imposant du cinéma classique japonais. Avec "Au gré du courant" et "Nuages épars" l'occasion est donnée de (re)découvrir le talent de Naruse.

Ivan I. Tverdovsky réalise avec "Zoologie" un drame fantastique, réaliste, drôle et triste, différent, surréaliste, à l'instar de son héroïne Natasha, 55 ans.

Remise en lumière et décryptage du film italien sorti en 1961 "Il Posto", ("L'Emploi", en français) réalisé par Ermanno Olmi.

Dans "Album de famille", le réalisateur turc Mehmet Can Mertoglu livre une satire violente, où la laideur, flagrante dans les intérieurs kitsch et la grossièreté des échanges, est à l'image de l'ambiance sociale explorée dans ce film.

"Où est Madame Jeanne ?" Sur les dunes de Wissant, une lavandière cherche Jeanne, qui s'est éloignée de ses amis pour prier, pour qu'elle bénisse le chapelet de leur voisine Marie. Mais Jeanne refuse ; sa bénédiction n'aurait pas d'effet miraculeux. Pourtant, le second volet de ce portrait, signé Bruno Dumont, est légendé "Jeanne, le mystère" toujours d'après l'oeuvre de Péguy (1910).

Film après film, Samuel Collardey creuse son sillon, tout en renouvelant et en enrichissant son approche. Après "L'Apprenti", "Comme un lion" et "Tempête", son quatrième long métrage le mène au Groenland. Avec "Une année polaire", il rejoint consciemment ou non le maître controversé de cette forme hybride qui puise la fiction dans le véridique : Robert Flaherty. Certes l'environnement sauvage a fasciné visuellement Collardey : les images sont sublimes.

Quel plaisir de voir revenir Sofia Coppola en pleine forme, après quelques expériences « loin des salles » et la ressortie en version restaurée de son premier long métrage, "Virgin Suicides" (1999). Ce film-ci a d'ailleurs plus d'un thème commun avec "Priscilla", et constitue même une manière de trilogie, avec "Marie Antoinette" (2006), sur les rêves et les désillusions d'une adolescente.

Cinéaste fascinant par sa capacité à introduire une singularité stylistique ou des enjeux inattendus dans l'éclectisme des formats qu'il aborde (courts métrages expérimentaux, films de fiction, minisérie), Steve McQueen propose avec "Occupied City", documentaire au long cours, une plongée historique et méditative dans l'Amsterdam de la Seconde Guerre mondiale.

Après "Emily Dickinson, A Quiet Passion" (2016), l'enfant de Liverpool revient sur le terrain du portrait intime de poète, dans ce qui sera désormais son ultime réalisation, « la meilleure chose que j'aie faite », confessait Terence Davies dans un de ses derniers entretiens. Mais dès les origines, la poésie infuse l'oeuvre de celui qui avouait s'être inspiré depuis toujours des vers de T. S. Eliot dans "Four Quartets". Avec les années, le style de Davies s'est épuré, pour atteindre une forme de classicisme traversé d'éclats formalistes.

Tokyo, durant la Seconde Guerre mondiale. Des sirènes déchirent la nuit. Hisako, la mère de Mahito Maki, périt dans un incendie. Le garçon, son père, Shoïchi, et sa nouvelle épouse, Nakito, déménagent à la campagne. Nakito, soeur et sosie de la défunte, apprend à son neveu qu'elle attend un enfant ; la mort et la vie se suivent de près.

Au sein du dispositif de mise en scène imaginé par Jonathan Glazer dans "La Zone d'intérêt", Sandra Hüller interprète ce qui semble impossible à interpréter : une inhumanité tranquille, inconsciente d'elle-même. Cette performance au cordeau, glaçante mais jamais ostentatoire, nous a donné envie de rencontrer une actrice dont la carrière a pris, avec "La Zone d'intérêt" et, bien sûr, avec "Anatomie d'une chute", une ampleur internationale.

Avec son dixième long métrage, "Wahou !", Bruno Podalydès poursuit son exploration amusée de la société contemporaine, cette fois sous l'angle de la fièvre immobilière. Né avec la grande vague des jeunes cinéastes des années 1990 (Desplechin, Kahn, Klapisch, Lvovsky... ), il s'en singularise par son obédience fidèle à la comédie, son sens de la troupe d'acteurs, ses références très personnelles (de Hergé à Jean Renoir ou Alain Resnais) mais aussi par son goût des objets détournés, des novlangues absurdes et des trouvailles poétiques.

Dans tous ses films, Nuri Bilge Ceylan remet en question la validité des liens familiaux dans une société turque changeante. "Le Poirier sauvage" s'inscrit dans cette thématique, tout en plaçant comme toujours ses personnages dans un environnement visuel somptueusement filmé qui reflète leurs contradictions.

Couronné de prix à domicile (meilleur film irlandais du Dublin Film Critics Circle Awards) et dans les festivals internationaux (Grand Prix de la sélection Generation à la Berlinale 2022 et Prix du public à Tai pei), "The Quiet Girl" était aussi sélectionné pour les Oscars 2023 dans la catégorie du meilleur film étranger. Premier long métrage de fiction du documentariste et réalisateur de télévision Colm Bairéad, "The Quiet Girl" est l'adaptation de "Foster", une nouvelle de Claire Keegan, publiée en France sous le titre "Les Trois Lumières" (Sabine Wespieser Éditeur, 2011).